Créé en 1959 par Franquin et Greg, Zorglub deviendra rapidement un des protagonistes les plus marquants de la série. Aujourd'hui, Munuera livre sa version du savant mégalomane.

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Créé en 1959 par Franquin et Greg dans ce qui deviendra le quinzième album de Spirou et Fantasio ("Z comme Zorglub»), Zorglub (en dépit de Charles Dupuis, peu amateur du personnage) deviendra rapidement un des protagonistes les plus marquants de la série. Aujourd'hui, Munuera livre sa version du savant mégalomane.

On évoquait Franquin. Dans ses albums, Zorglub est un personnage ambigu : ami ou ennemi de Spirou ? Inventeur génial ou pauvre despote ? Le vois-tu comme un vrai méchant ?

Oui, ambigu et complexe. Mais s'il est méchant, il l'est plus par vanité que par une nature vraiment méchante. Pour moi, c'est un des personnages de la série les plus riches et les plus vrais, en fin de compte. Même si, au départ, il incarne un archétype, celui du savant mégalomane, celui du méchant des années cinquante, des James Bond des débuts, ce côté-là est contrebalancé par son profil de gaffeur impénitent, de crétin pitoyable qui essaie d'attirer l'attention du monde entier par ses inventions qui se révèlent de plus en plus ridicules ! À cause de, ou grâce à ces contradictions, c'est un personnage qui détient un charme et un potentiel dramatique formidables ! Et il quitte rapidement les clichés des séries B des fifties pour devenir un personnage moderne, riche de plusieurs facettes très différentes. J'avais plusieurs options possibles pour l'exploiter. J'aurais pu explorer une veine parodique en faisant une caricature de "méchant de cinéma", mais j'ai préféré adopter une vision plus réaliste de Zorglub. Avec la question : comment ce personnage un peu triste, qui redouble d'efforts pour obtenir l'aval de ses collègues du monde scientifique, essaie-t-il d'étancher sa soif de reconnaissance ? Ça, ça m'intéressait.

Avec beaucoup d'humour, tu démarres cette aventure en critiquant les suites, les remakes et les spin-off, phénomène de notre époque... Or cette "Fille du Z" est clairement un spin-off de Spirou et Fantasio.

Oui, c’est un clin d’oeil en forme de mise en abyme, si tu veux ! Et ce phénomène dépasse bien sûr le domaine de la bande dessinée ; on le retrouve au cinéma et dans toute l’industrie culturelle. Toutes les disciplines sont touchées par cette mode du revival permanent des succès du passé, soit réinterprétés soit simplement recopiés pour de nouveaux consommateurs. Nous vivons une époque assez frileuse, qui a peur de la nouveauté. On peut considérer que c’est dommage, mais il est un fait que le revival est devenu un genre en soi, une nouveauté ! C’est une démarche intéressante de se pencher sur notre bagage culturel, d’examiner des codes anciens et de les réinventer.

Est-ce toi qui as eu envie de ce spin-off avec Zorglub ou est-ce une proposition de l'éditeur ?

C'est moi ! Alors que pour la reprise de Spirou avec Morvan, la proposition m'était tombée dessus alors que je ne m'y attendais pas du tout, ici au contraire, c'est moi qui ai proposé à Laurence Van Tricht, mon éditrice chez Dupuis, de me lancer dans cette interprétation du personnage. Réaliser quatre albums de Spirou et Fantasio m'a appris à travailler le registre de l'aventure humoristique, qui est un genre propre à la bande dessinée classique. Et je voulais revenir à cette source-là. Par ailleurs, j'avais envie d'exploiter la question "Comment lâcher la bride face aux personnes que l'on aime et les laisser vivre leur vie ?" Lorsque Zorglub est intervenu dans ma réflexion, tout est devenu limpide : comme un domino qui tombe et qui entraîne les autres, toute mon histoire se déroulait avec une fluidité étonnante dans mon esprit.

 

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Détail amusant, pour la première séquence (le pré-générique, en quelque sorte), tu as choisi de dessiner le centre historique de Bruxelles. Pourquoi ? Parce que c'est la ville natale de Franquin ?

J’avais besoin d’un décor urbain réaliste pour débuter cette histoire, alors pourquoi ne pas choisir une ville reconnaissable par les lecteurs ? Gamin, avec mes parents, j’adorais visiter des villes que j’avais découvertes dans des films ou des BD. Mais attention, cette localisation précise ne doit pas pour autant gêner la lecture pour un public non bruxellois… Les Bruxellois reconnaîtront évidemment la Bourse, la Grand-Place, et l’Atomium en ombres chinoises. Bruxelles, pour moi, c’est la ville de la bande dessinée par excellence ! Bruxelles, c’est carrément un parc à thème pour bédéphiles : entre les librairies de BD qui pullulent, les fresques murales dans le centre-ville, ils ont l’embarras du choix… La BD est partout à Bruxelles et je voulais que Bruxelles soit aussi dans ma BD.

En savoir plus : « La fille du Z », Zorglub, tome 1 par Munuera (parution : 2 juin 2017)